25
Août
2023
4

Cœur à l’arrêt (0,30 km)

La frénésie de mon activité de cyclo-travailleur-rêveur varie fortement, non pas selon les saisons comme on pourrait aisément l’imaginer, mais plutôt selon les nécessités des déplacements de ma carcasse. Souvent, elle vagabonde d’un rendez-vous professionnel à un autre ou participe au transport scolaire pour déposer ou rapatrier la progéniture entre l’école et la maison.

Ces différentes astreinte, associées à une activité professionnelle indépendante, m’obligent à une certaine mobilité motorisée autonome afin de m’affranchir de la contrainte horaire des transports publics. Ainsi, Je circule d’une vallée à un vallon, gigotant entre l’autoroute, les routes cantonales et autres morceaux de bitumes, emporté par les différents objectifs de ma tournée. Toutefois, face à l’empilement des kilomètres, mes différentes escales sont optimisées de manière à les regrouper. L’objectif : limiter mes déplacements à quatre roues. Cette organisation arrache à mon quotidien un maximum d’entrave à ma liberté de me déplacer à coup de pédalier.

Parfois, la planification est compliquée et réduit mes chances de déplacement à vélo. C’est pourquoi les contraintes climatiques n’influencent guère le choix de mon mode de transport. Se fier au ciel et aux températures standardise le mouvement. En voiture, il pousse dans mon cerveau une sorte de monoculture cérébrale engraissée par l’autoradio et les bruits du moteur. Ni le froid, le chaud ou la pluie n’influencent la décision de circuler à deux roues. Je lutte corps et âme contre toute forme d’asservissement à la météo qui oserait jeter le discrédit sur ma motivation : neige l’hiver, giboulée de printemps, brûlures solaires d’été ou vents violents d’automne sont contrebalancés par un équipement adapté et une volonté absolue de vivre dans un état de conscience simplement altéré par la belle légèreté de ressentir les sensations d’un voyage au long cours le temps d’un tout petit trajet sur la route du travail.

Ainsi, certaines semaines, les kilomètres parcourus sur le vélo se comptent sur les doigts de mes deux mains et, à d’autres périodes, notamment pendant les vacances scolaires, mes déplacements s’effectuent surtout cheveux au vent, l’esprit baigné de quiétude et d’une douce liberté.

Les longues périodes sans vélo sont rares. Pourtant, l’une d’elle débarqua un jour sous la forme la plus inattendue possible.

Un petit courant d’air, un tout petit bruit ; Un léger sifflement de chambre à air qui se dégonfle. Au bout du stéthoscope, c’est l’oreille attentive de mon médecin de famille qui conduit à l’information suivante : « J’entends quelque chose. Sans doute rien de grave, mais direction le cardiologue. » C’est ainsi qu’un petit check-up de routine transforme un gars, en léger surpoids et au souffle un peu court, mis sur le compte d’un mauvais entraînement, en patient cardiaque quelques semaines plus tard. Les examens complémentaires révélant une fuite au niveau de l’aorte.

Au printemps, puis au début de l’été, je fus un cycliste attentif aux signaux de mon corps-cœur analysant le moindre essoufflement : manque flagrant d’activité ou maladie invalidante ? Les jours s’écoulent ponctuées de trajets boulot – vélo – dodo, de rendez-vous professionnels et médicaux ou autres transports scolaires.

12 juillet.

Le vélo est entreposé sous le carport, solidement arrimé par un cadenas sécurisé d’ un code composé de quatre chiffres. Cette longue période sans rouler n’est pas si brutale que cela. Elle est programmée. L’esprit et le corps entrent en mode résistance, résilience.

13 juillet.

Une entrée sans frémir à l’Hôpital de l’Île, à Berne.

14 juillet. 14h

S’endormir, chargé de produits à faire pâlir un coureur du tour de France des années sombres, mais le cœur gonflé d’émotions positives afin d’assurer une transition tout en douceur lorsqu’il sera débranché et qu’une machine en prendra le relai.

15 juillet. 03h

Se réveiller avec un feu d’artifice de tuyauterie qui jaillit de son corps, une véritable célébration nationale tricolore à cœur ouvert (avec un peu de retard) ! L’accueil nocturne par un café et une bonne tartine redémarre le bonhomme.