30
Sep
2023
6
La mécanique du corps et autres chutes de l'esprit

La mécanique du corps et autres chutes de l’esprit (0,330 km)

L

es statistiques de la circulation routière le démontrent aisément : c’est souvent sur les trajets les plus courts que se déroulent les accidents les plus idiots. Et bien que cette information ne concerne généralement que les véhicules motorisés, force est de constater qu’un trajet de cinq kilomètres à vélo n’échappe pas à la règle.

Ainsi, je me dois ici de revenir sur un florilège de rencontres brutales, digne d’un bêtisier de fin d’année. En voici un premier épisode.

Parfois, c’est un simple changement d’habitude qui entraîne un déraillement. Du cerveau tout d’abord, puis du corps par la suite et enfin, de la machine. Un jour pluvieux de printemps, la journée débute plutôt mal : la pièce qui permet habituellement d’accrocher ma sacoche au porte bagage de mon vélo était cassée. C’est donc sac en bandoulière et esprit conquérant, à la manière d’un coursier de ville, que je m’élance dans la pente. Lorsque les pensées s’envolent et que la tenue est légère, les traces de chutes s’écrivent à même la peau. Ainsi, sous cette pluie fine, je me laisse aller à quelques réflexions anecdotiques qu’aucune de mes neurones ne parvient à retenir. Ainsi perdu dans mon no man’s land cérébral, corps et esprit se retrouvent dissociés. C’est dans un état quasi fantomatique que je ressens sur mon torse la tension de la lanière enroulée autour de moi. Elle-même, subit la pression de la sacoche, un peu lourde, qui résiste, tant bien que mal, à l’attraction terrestre. D’une main maladroite, je tente de réajuster l’ensemble de mon équipement. Ce geste anodin brise la belle harmonie qui existait jusque-là et favorise un déséquilibre total de la machine et de l’homme. Ce dérèglement gravitationnel aurait pu être vite rétablit si l’humidité et de la route et la présence du trottoir n’avaient pas décidé d’entrer avec fracas dans cette histoire. Bref, ma roue avant se bloque contre le trottoir avec pour conséquence d’élever ma roue arrière dans les airs et ainsi de m’envoyer valser.

Toutefois, toute chute mérite une fin honorable de manière à rester un bon souvenir. Cette fois-là, ma providence pris la forme d’un buisson plutôt confortable qui vint à réceptionner corps et vélo avec une courtoisie assez rare pour le souligner. L’aimable végétal ne s’étant pas plaint de mon irruption intempestive en son sein.