Lecture de forçat
J’ai acheté L’Île de Sakhaline un mercredi après-midi de janvier 2024 à la librairie Payot de Lausanne. J’avais passablement de temps à disposition puisque Mathilde, armée d’une sacrée dose de patience, avançait à petits pas afin d’obtenir une dédicace de Morgane Moncomble. De l’endurance, il m’en a fallu aussi. À l’été 1890, Anton Tchékhov séjourne trois mois sur l’île en question. J’ai mis 5 fois ce temps-là, soit 15 mois, pour venir à bout des innombrables statistiques contenues dans les 540 pages de l’ouvrage : recensement, organisation pénitentiaire, typologie et origines des prisonniers, modèle agricole et rendement des différentes parties de la colonie, détails chiffrés sur le nombre de couples légitimes ou illégitimes, propriétaires ou non, vie spirituelle, nombre et type d’évasions, etc. Dans son étrange voyage, Anton Tchékhov étudie avec une précision déconcertante, sur la base d’entretiens et de rapports en tout genre, la vie sur cette île vouée au bagne et à la déportation, située au large de la Sibérie.
C’est presque un livre double, les notes de bas de page étant quasiment aussi conséquentes que le récit principal. Aussi, j’ai souvent entrecoupé ma lecture de plusieurs semaines de pause, en m’y reprenant à plusieurs reprises pour comprendre certains aspects de la vie de ces pauvres hères.
Aujourd’hui, je quitte l’Île de Sakhaline, la plus grande terre insulaire de Russie. Bizarrement, c’est presque avec une petite pointe de regret que je termine ce livre ; cet objectif ayant rythmé certaines de mes heures perdues. Comme une sorte d’hommage à tous ces forçats, le but fut quasiment atteint à l’occasion d’une soirée d’évasion en forêt.