À contre-courant des rois (2,50 km)

Le cheminement hivernal est parfois pavé de drôles de surprises. Ce soir-là, remontant ma ligne de Ouest vers l’Est, ma route est coupée par trois magnifiques vaisseaux du désert. Sur leur dos, trois élégants cavaliers. Je m’arrête et observe ce curieux équipage. Ensemble, ils cheminent à la suite d’une étoile, la vision est pour le moins inhabituelle dans nos contrées.

La petite caravane passe devant moi, poursuivant, imperturbable et sans salutation, son chemin – la mission est sacrée. C’est à peine si le pas des dromadaires enfreint le silence de cette étrange nuit. Ils ne marchent pas, ils flottent au-dessus de la terre. L’air, bien que glacial, se réchauffe des halos de lumière qui enveloppent les protagonistes de cette histoire. « C’est bien curieux, me dis-je, en ce soir du 6 décembre, on y célèbre plutôt un saint répondant au prénom de Nicolas. »

Ces rois, mages venus d’Orient, piquent ma curiosité. Pourquoi débarquer en terre d’Helvétie ? Je me décide à les suivre. La démarche de ma monture est bien moins leste, moins chaloupée que celle des bestiaux que je dépasse. Ma route, à présent, prend l’allure d’une machine à remonter le temps. Celui de la nativité. À contre-courant des rythmes imposés par les montres, je découvre une succession de tableaux qui me mènent aux origines : je croise des bergers, aperçois une étable accueillant un nouveau-né, ou découvre encore les traces d’un charpentier, puis celles d’une vierge, future star d’un monde en devenir.

Ma route s’arrête là. Je décide de ne pas suivre la piste qui m’invite à rencontrer Jésus.

Mon « athéeitude » est sans aucun doute davantage charmée par la poésie que dégage ces multiples invitations à comprendre ce chemin de Noël que par le fond véhiculé. Toutefois, je salue cette initiative d’illuminer ainsi mon retour du travail, d’y apposer un brin de magie. Une telle démarche titille forcément mon imagination avide de rencontres et éveille en moi l’envie d’y apposer ces quelques mots sur mon carnet de route.