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Oct
2025
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Anya et la Viorne

Cela fait trois ans qu’Anya rêve de planter une Viorne obier, très simplement depuis le début du conflit armé qui oppose deux pays chers à son cœur, la Russie et l’Ukraine.

La Viorne est l’arbre de la famille ukrainienne et symbolise la maternité. Depuis l’Antiquité, cette plante est également un symbole de paix. Anya habite à Tramelan depuis de nombreuses années. Vivre en Suisse est la concrétisation d’un rêve qui l’habite depuis l’adolescence. Lorsqu’en 2022 les premiers réfugiés ukrainiens et ukrainiennes ont débarqué dans notre région, elle s’est retrouvée en première ligne afin d’accueillir ses compatriotes dans les meilleures conditions : suivre les relations avec les écoles afin de permettre aux plus jeunes de poursuivre leur scolarité ou encore assurer des liens entre les familles d’accueil et leurs hôtes.

En mai dernier, Anya a découvert l’initiative des élèves des écoles du Grand Chasseral et de Bienne qui vise à acquérir une machine de déminage de la Fondation Digger – organisation humanitaire, véritable fierté de la région dirigée par l’excellent Frédéric Guerne – en vue de l’envoyer en Ukraine. Touchée par cette action, elle a mobilisé cette nouvelle communauté ukrainienne afin de participer également à cette ambitieuse récolte de fonds.

Un public qui répond présent

Hier, ultra-énergique comme à son habitude, la plus tramelote des Ukrainiennes a couru dans tous les sens pour mener à bien une fête solidaire parsemée de chants et de danses traditionnelles, de gourmandises en tout genre et de contes déclamés en langues russe et ukrainienne. Les médias et le public ont répondu présents à cette jolie invitation. C’était réjouissant.

Dans le stress, Anya s’est un peu emmêlée les pinceaux : alors qu’elle devait assurer la traduction de l’interview de l’une de ses compatriotes devant une journaliste de Telebielingue, elle a débuté en traduisant la conversation de l’ukrainien au russe avant de remettre de l’ordre dans ses idées. J’ai interprété cette anecdote comme le lien unissant ces deux peuples frères qui se font la guerre. En observant cette scène, les paroles d’une chanson de Damien Saez se sont extirpées de ma mémoire.

« Comment la patrie de Lénine, comment celle de Dostoïevski
Peut-elle devenir génocidaire du propre berceau des Russie ? »

Bien sûr, il y a quelques confidences touchantes au détour de certaines conversations. Certaines d’entre elles, je le sais, ont particulièrement ému mon camarade Frédéric. Ce furent des moments d’intimités particuliers, de ceux qui permettent de penser à un proche disparu trop vite.

Hier, la pluie a tout d’abord accompagné Anya dans sa mission : elle a enfin planté cette Viorne obier. D’aucun y auront vu un signe positif lorsqu’un petit rayon de soleil a percé les nuages.

À Tramelan, lieu de naissance d’Albert Gobat, prix Nobel de la paix en 1902 pour l’établissement de la Convention de La Haye, cette plante symbolique va pousser sur une terre conquise par l’humanité et la solidarité entre les peuples. Cette région, je le clame haut et fort une nouvelle fois, je suis fier d’y vivre et d’y rencontrer des personnalités extraordinaires. Je me sens parfois comme une sorte de témoin privilégié de ces situations et j’apprécie par dessus tout cette chance de trouver les mots pour le partager.