Aucune nuit ne sera noire
Il y a fort longtemps, j’avais découvert Le Ventre de l’Atlantique, de Fatou Diome. Puisant dans ses souvenirs, l’autrice franco-sénégalaise y relatait une Europe fantasmée par un jeune Africain qui souhaitait y trouver sa réussite dans le football, en France. Sa demi-sœur, qui y vit depuis plusieurs années, tente de l’en dissuader.
C’était un récit poignant, abordant sans fausse-pudeur les pièges de l’émigration. Curieusement, je n’avais pas suivi la suite de l’œuvre littéraire de Fatou Diome, alors que ce livre m’avait fortement marqué. Quelle erreur !
La semaine passée, flânant dans la Bibliothèque de Tavannes, Aucune nuit ne sera noire s’est présenté à moi, assez spontanément. Soyons honnêtes, le livre était surtout particulièrement mis en valeur par les bibliothécaires. Il figurait parmi les nouveautés.
Niodor est une localité située sur l’île de Guior, au sud-ouest du Sénégal. C’est le berceau de la culture de Fatou Diome, le lieu où elle a été élevée par ses grands-parents, Aminata et Saliou. Ce dernier, Mâma Kômâma n’est pas simplement le grand-père de l’autrice. C’est également son ami, son Gabriel et son guide. C’est une véritable source d’inspiration pour cette petite fille née hors mariage et souvent sujette aux quolibets de la part des gens du village. On est dans l’Afrique des années 70, post-coloniale et sujet à de nombreux tabous. L’homme est courageux, protecteur et éclaire le chemin de la jeune Fatou vers la liberté. Il l’embarque sur son bateau, la Saly Ndène, pour des campagnes de pêche sur l’Atlantique qui sont autant de prétextes pour lui enseigner à devenir la propre Capitaine de sa vie.
Dans son texte, fortement empreint de poésie et de tendres souvenirs, Fatou Diome rend un vibrant hommage à ses deux aïeuls. Comme dans Le Ventre de l’Atlantique, l’autrice n’élude rien des difficultés guettant les émigrés, les médisances provenant aussi bien de la terre d’accueil que de la terre natale. Là encore, quel que soit le contexte, Mâma Kômâma prodigue les conseils qui conduisent la romancière à garder la tête haute et à fixer des lignes directrices pour continuer de croire en l’humanité.
« […] Parce que la souffrance n’a cure du genre, de l’ethnie ou de la nationalité, évitons la concurrence de nos militantismes, conjuguons-les pour converger vers le même but : un humanisme intégral. »
À la lecture de ce livre, comment ne pas se remémorer ses propres grands-parents. Chacune et chacun d’entre eux avait un surnom propre à ces cultures dont j’ai hérité. Du côté maternel : Malu (une coquetterie qui évitait une forme de vieillesse anticipée à notre artiste) et Pépère (sans doute pour cette forme de bonhomie) ; du côté paternel : Mamé et Papé, noms affectueux ancrant une partie de mon être dans le Midi de la France. Je peux me reconnaître dans chacune et chacun d’entre eux. Dans ces quatre-là, j’y retrouve l’amour des couleurs, un certain goût pour l’écriture (peut-être même l’aventure), le sens de l’action « désintéressée » ou encore la force du terroir et de la simplicité.
Fatou Diome a guidé mon week-end. Toutefois, l’aventure continue. Comme toujours, je rebondis de livres en livres à chaque ouvrage que je referme. Un récit se termine, mais les histoires se démultiplient m’invitant à me plonger dans de nouvelles pages. Inspirations futures : Mauve toujours de Fatou Diome, un livre illustré par Titouan Lamazou, autre idole des rêveurs. Puis, L’Art de se promener de Karl Gottlob Schelle. Tout un programme !

