6
Juil
2025
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Des équilibres

Valbirse – Week-end de haut-vol dans le Grand Chasseral grâce au club Vélo Trial Moron qui accueillait une manche de coupe du monde de la spécialité.

Des champignons, une tour, des crayons géants et des dizaines d’obstacles conçus pour que les 158 athlètes en provenance de 16 pays défient les lois de l’équilibre. Puis, des vélos, de la ténacité, un poil de concentration furent les ingrédients de ces chorégraphies aériennes. Malgré la hauteur de cette adversité composée de bois ou de minéraux, les trialistes n’ont pas bénéficié d’une relative fraîcheur lors de ces nouvelles journées de chaleur (celles du vendredi et du samedi).

L’équilibre, une notion qui ne s’appliquait pas uniquement aux 5 zones du parcours comprenant chacune 6 secteurs – que références régionales ! – imaginés et conçus par Vito Gonzalez, l’une des têtes pensantes de cette manche de coupe du monde. Affecté du côté des friteuses le vendredi, on m’a confié la délicate cuisson des frites, sujet ô combien sensible dans toute manifestation qui se respecte. Trop cuites, pas assez… La cuisson est un exercice délicat qui mène à des révolutions (même si celle des Belges n’était pas liée à une histoire de friteuse). Sans doute est-il nécessaire, ici, que je présente mes plus plates excuses aux gourmets qui sont tombés sur mes premiers essais.

D’oser sa cuisson

Avec pragmatisme et méthode, mes neurones se sont emballés et ont imaginé une routine gustativement acceptable dans un délai raisonnable : tout d’abord, expédiez plusieurs poignées de frites dans le panier, plongez celui-ci dans l’huile bouillante, comptez mentalement 60 secondes tout en préparant un second panier, remontez le panier n°1, immergez le n°2, recomptez jusqu’à 60 tout en versant le premier lot de frites bien croustillantes dans le saladier qui alimente ensuite les nombreuses demandes en provenance du comptoir : « Une portion de frites ! Un poulet-frites ! Une saucisse-frites, quatre portions de frites ! Etc. » Chantons ensemble : « Des frites ! Des frites Des frites… ! » Mon samedi et mon dimanche furent moins culinaires, puisque je fus affecté aux caisses. Cette fois, ma délicate mission consistait simplement à rendre la juste monnaie. Ni trop, ni pas assez. À l’équilibre, on vous dit !

Derrière mes friteuses ou ma caisse, la compétition est sonore avant d’être visuelle. Au micro, les deux animateurs de la compétition, dont Loris Gonzalez au four et au moulin puisqu’également compétiteur, ne déméritent pas entre fines analyses « Oh ! L’allemand qui passe l’obstacle avec la même brutalité que sa langue » et plaisanteries innocentes, « Ce jeune espagnol écrase la compétition de sa belle élégance ». L’oreille est happée par ces bavardages taquins, mais également pédagogiques qui facilitent la compréhension des mystères du Trial, notamment la comptabilisation des points : Pendant que j’enchaîne mes implacables décomptes 1,2,3, 4, … 60, les trialistes, eux, ont exactement le temps de deux immersions de panier à frites, soit 2 minutes maximum, pour franchir les 6 secteurs d’une zone. Chaque succès rapporte 10 points. Si les 5 zones sont exemptes de la moindre faute, c’est donc 300 points qui tombent de l’escarcelle du pilote. Ce dernier doit effectuer deux fois le parcours. Ainsi, lors d’une manche, ce sont 600 points qui sont en jeu. Qu’un pied touche terre, et ce sont des points qui s’évaporent !

Le bénévolat construit l’équilibre d’une société inclusive.

Même occupé à saisir des commandes, à imprimer des tickets ou à rendre la monnaie, mon esprit ne peut s’empêcher, comme de coutume, de s’égarer. J’écoute les bruits de la foule qui encouragent les pilotes locaux, les rumeurs sourdes lorsqu’un obstacle est infranchissable, je capte les conversations entre le public, les bénévoles ou les pilotes qui, toutes et tous, se félicitent de ce merveilleux week-end.

Il y a des valeurs et des engagements qui chatouillent mes sens. Le bénévolat, notamment. Il construit l’équilibre d’une société inclusive. Ce week-end, près de 150 hommes et femmes se sont réunis autour du projet de la famille Gonzalez d’accueillir cet incroyable spectacle. Dans nos vallées et vallons, il y a eu d’autres événements menés par des personnes qui ont offert de leur temps pour émoustiller les sensations des habitantes et des habitants du Grand Chasseral. À Valbirse, la coupe du monde de Trial fut pourvoyeuse de sourires, exaltant les échanges et favorisant les rencontres. J’ai, avec humilité, observé que je n’étais pas sur mes territoires occupationnels et géographiques habituels, étant souvent présenté comme « Le mari de… » C’est ainsi que j’ai découvert avec appétit de nouvelles personnalités, conversé et plaisanté avec mes différents collègues de travail comme autant de friandises relationnelles nourrissant mon inébranlable foi en l’humanité.

À Valbirse, l’invitation était particulièrement originale : s’émerveiller des prouesses de ces cyclistes capables de gravir de fines montagnes, flotter au-dessus de la Tour de Moron ou encore escalader des champignons géants sans qu’aucune substance illicite ne soit nécessaire. Ce week-end, c’est cette dose de dopamine collective qui nous a incité à applaudir, encourager, parfois consoler, mais surtout à féliciter ces acrobates venus des quatre coins du monde.

PS : C’est rare que je fasse relire un texte avant publication. J’en ressentais le besoin concernant celui-ci. Merci à mon camarade Mathieu D., qui a agi comme bêta-lecteur, pour ses conseils avisés qui m’ont incité à revoir ma copie de ce texte. Cela m’a permis d’être plus conforme à mes souhaits de départ.