7
Sep
2025
3

Le cahier désordonné

Inspiré (et un poil envieux) par le talent de mon ami Mathieu D. à poser des mots manuscrits sur une feuille de papier, je me suis placé en pâle imitateur afin de retrouver la gestuelle naturelle de l’écriture. Terminé le clavier pour fixer mes premières pensées, place aux stylos 4 couleurs et aux cahiers d’écolier.

Jusqu’à présent, une idée qui germait dans mon esprit était l’objet d’une note sur mon téléphone ou d’un rapide gribouillis sur un post-it. Ma difficulté consistait ensuite à rassembler urgemment ces écrits sur mon ordinateur avant de les égarer. J’ai dorénavant de nouvelles ambitions : je suis propriétaire d’un carnet à carreaux, doté d’une couverture jaune pétante. Ici pas de cuir pour abriter les mots, ni de belles feuilles épaisses pour le confort de la calligraphie. C’est un véritable retour aux sources, une rentrée de collégien en quelque sorte.

Lorsqu’on est habitué depuis des décennies à maltraiter un clavier avec une certaine habileté, il y a une certaine souffrance à tenir de nouveau un stylo, à tenter de soigner son écriture afin de pouvoir se relire.

Les encres du stylo 4 couleurs apposées sur le papier ne respectent même pas une charte graphique cohérente

Quelle est la thématique d’un tel cahier : carnet de compte ? Journal intime ? Manuscrit de roman ? Rien de tout cela, ou plutôt tout cela à la fois. Sans agencement, ni organisation, les premières pages manuscrites sont un véritable fourre-tout, enchaînant vocabulaire (des mots mystérieux lus ici et là), des extraits de notes en vue de rédiger une chronique sur une bande dessinée ou un livre, liste de potentiels invités pour le festival Tramlabulle (des exclusivités ?), déclaration d’amour à ma région, ou encore pensées fugaces qui alimentent les textes de mes tribulations cycliquement cyclistes.

15 jours après le début de ce nouvel exercice, le résultat est réellement chaotique. Les textes se succèdent les uns aux autres sans lien entre eux, si ce n’est le Bic dont ils sont issus. Les encres du stylo 4 couleurs apposées sur le papier ne respectent même pas une charte graphique cohérente. Le vert se trouve ainsi utilisé pour des citations… quand ce n’est le rouge qui joue ce rôle. Le corps des textes est parfois noir ou bleu selon le hasard du moment.

Il y a une forme de bohème dans ce cahier désordonné. La folle précarité des mots – fragilité d’une feuille – se heurte à la légèreté de mes pensées. Mais tout ceci, les thèmes abordés, constitue le souvenir d’une soif « d’expérimenter l’aléatoire », comme le souligne si joliment ma fille. Aussi, si trouver l’équilibre d’une belle écriture manuscrite lisible m’est encore difficile, l’exercice a pour bénéfice de me soutenir dans une démarche qui vise à retrouver la concentration dont l’utilisation parfois excessive de nos outils numériques m’a si souvent éloignée. Dorénavant, mes mots glisseront entre stylo et clavier. Le premier se dévouant pour les figer dans l’émotion du présent, le second pour les partager.