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Août
2025
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Ma terrasse sur un balcon

Un jour, un être cher eut l’idée lumineuse de construire une terrasse… et accessoirement une habitation pour la soutenir. Cette terrasse est située sur un balcon géologique qui ouvre les cœurs et les esprits sur la Vallée.

Ce lieu est définitivement la plus belle pièce de la maison. On y aperçoit le Chasseral, point culminant de ma belle région et les Milans qui tournoient dans le ciel. Ce sont deux visions qui captivent mon regard et occupent mes journées.

On accède à cette terrasse depuis la cuisine en franchissant une porte-fenêtre. Sa surface est d’environ 15 m2. Elle est bordée d’une barrière en verre dépoli ; un escalier en aluminium permet d’accéder au jardin situé en contrebas, autant dire que je ne redescends quasiment jamais sur terre. L’entretien et la tonte du gazon sont des tâches dont je m’extirpe presque sans honte. Côté mobilier, on y trouve une table, deux fauteuils et deux canapés.

« Quand j’ouvre la porte, j’ai besoin de respirer l’air frais et de voir la vallée. »

Cette terrasse est un peu le chalet que je n’ai pas, elle m’isole du reste du monde. J’y suis protégé de la télévision, alliée de la fureur planétaire, et, lorsque je me sens courageux, elle m’éloigne de mon téléphone mobile qui invite à la procrastination. Si possible, je m’y installe le matin, le café est posé sur la table et un peu de lecture accompagne mes débuts de journées. Parfois, j’y dépose un carnet de notes pour y glisser quelques pensées. Ce lieu est un peu mon autre bureau. J’en possède trois : l’officiel, mon vélo et cette oasis accueillante. Ce trio est conçu pour s’immerger dans de profondes réflexions.

Hanife Torum (lu dans le National Geographic, numéro 311, août 2025 – éd. Française) habite un troglodyte en Cappadoce, Turquie : « Quand j’ouvre la porte, j’ai besoin de respirer l’air frais et de voir la vallée. » En ouvrant la porte-fenêtre qui mène sur ma terrasse, mes aspirations sont identiques à celles de cette jeune grand-maman turque de 64 ans. Je ne peux que m’en réjouir.

Fainéant au possible, je ne m’occupe pas de sécher le fauteuil sur lequel je m’assois de bon matin. La rosée mouille mon postérieur. En revanche, je fais en sorte que le livre ou le magazine reste bien au sec. Aux premières heures, ma terrasse est encore à l’ombre malgré le soleil qui perce à travers quelques nuages cotonneux. Au fur et à mesure de la progression de son axe, l’astre solaire chasse la noirceur. Il allume tout d’abord le coin d’une dalle, puis s’impose sur l’ensemble de l’espace. Posées sur la table, mes lectures restituent la lumière et mes pensées s’éclairent. Plus tard, j’ouvrirai le store afin de retrouver une fraîcheur bienvenue.

Ce lieu est définitivement le point de départ de mes pérégrinations mentales. Depuis cette plateforme, j’observe les arbres et les bosquets qui oscillent au rythme des notes d’un piano qui émanent d’une maison voisine. Je me laisse prendre au jeu et mon stylo s’accroche à ce balancement végétal apposant les mots à l’unisson de l’ambiance sonore. Je ne suis pas musicien, mais j’imagine cette partition qui se propage dans les montagnes environnantes. Je les vois même très clairement.

Le soir, alors que les paysages se fondent dans l’obscurité naissante, je prolonge ma ligne de vie. J’allume les LED, les lettres de mes livres ou de mes notes renaissent. Je m’imagine Luciole arrivée au stade adulte : auto-éclairage, pensées lumineuses et lueur d’espoir sur le monde qui nous entoure. Submergé par l’ambiance, la fatigue me gagne. Je m’empare de mon sac de couchage, rempart efficace contre le froid nocturne et je coupe les lumières.

Les nuits sur ma terrasse pallient efficacement celles que je ne passe pas assez en forêt. J’endure un moment l’éclairage public puis sombre enfin dans un sommeil caressé par la fraîcheur de la nuit.