Tomber amoureux… avec un siècle de retard
L’excellente revue sept.info a joliment gratifié ses lectrices et ses lecteurs de deux numéros (printemps 2024 et printemps 2025) qui rendent hommage aux pionnières du journalisme. Ce sont deux publications passionnantes qui se sont offertes à ma lecture attentive. À l’intérieur de ces pages, il y avait quelques journalistes dont j’avais déjà apprécié les talents par le passé et qui sont bien installées dans ma bibliothèque. Parmi elles, Annemarie Schwarzenbach, Nellie Bly, Alexandra David-Néel ou encore Isabelle Eberhardt.
Page 22. Un frisson.
Un texte publié le 26 octobre 1932 dans le journal Marianne, sobrement intitulé : Recette [I]
« Plus qu’à l’allongement des robes, plus qu’aux caprices, fort limités et pour cause, de la coiffure féminine, je m’intéresse au glissement qui entraîne vers le jaune, le marron et l’orange, la couleur des visages. »
Ainsi débarque Colette. Je n’ignorais pas le nom de cette grande romancière, mais je n’avais jamais eu l’occasion de me plonger dans ses lignes. Une immersion qui débute donc en fanfare par un texte qui oscille, avec humour, entre sensibilité, poésie et dérision pour aborder le thème du maquillage. Et la suite des articles proposés n’est pas en reste. Les mots de Colette racontent son époque. Entre critique de pièces de théâtre, accidents ferroviaires, compte-rendu de procès ou reportages de fond, j’étais définitivement conquis. Les extraits publiés dans la revue Sept.info ne m’ont pas rassasié. Il m’en fallait davantage, des mots encore des mots d’une époque fascinante ! Quelques recherches et voici le livre Colette journaliste : petit tour par la Librairie du Pierre-Pertuis.
Lettre à Colette
Très chère Colette… Un siècle plus tôt, j’aurais pris ma plus belle plume (écrire à l’encre pour un gaucher maladroit, quelle sinécure) et apposé sur l’une de ces belles feuilles à motifs, que vous chérissiez tant, des mots d’affection. Je l’aurais signée, bien évidemment. Des lettres anonymes vous enjoignant de vous taire, vous en aviez bien trop reçues.
Un siècle plus tard, vos combats pour l’humanité, les animaux ou la justice auraient toujours du sens.
Concentré et appliqué, j’aurais rendu hommage à votre inimitable manière de « ne raconter que ce que vous avez vu, ni plus, ni moins », de traiter l’actualité de votre esprit sincère et passionné. Votre sens du détail et de l’observation, le rythme de vos formulations et l’angle des sujets traités tranchent nettement avec nombre de vos contemporains. Qu’il s’agisse d’une recherche d’appartement dans Paris, d’attirer l’attention sur les indigents, plus particulièrement les enfants, ou de décrire les bienfaits de la campagne, la justesse de vos écrits est si moderne ! Qu’il m’aurait été agréable de vous tenir compagnie lors du voyage inaugural du Normandie, en 1935.
Un siècle plus tard, vos combats pour l’humanité, les animaux ou la justice auraient toujours du sens. Les textes publiés dans les différents journaux de votre époque figurent désormais en bonne place dans ma bibliothèque, très chère Colette. Cette compilation de vos écrits est maintenant rangée, elle rejoint nombre de livres de vos collègues de ce début du XXe siècle.
L’acuité de votre regard nous serait encore fort utile de nos jours.
Soyez-en assurée, chère Colette, je ne vous ferai pas l’offense de l’oubli. De temps en temps, je piocherais dans vos mots les émotions qui me sont indispensables à la rédaction de mes petits textes. Votre œuvre journalistique est admirable. Puisse-t-elle nous (me) servir d’inspiration pour encore longtemps.
Bien à vous.
- Revue Sept.info