22
Sep
2025
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Vincent van Gogh m’a conseillé un livre

Au détour de la lecture de cette biographie en BD de Sergio Salma retraçant les 27 premières années de vie de Vincent van Gogh, il y a cette recommandation de l’artiste hollandais à son frère Théo dans une lettre datée du 10 août 1874 : « Promets-moi de lire cet ouvrage. » Le titre du bouquin dont il est question fut assez intriguant pour que, 151 ans plus tard, je franchisse la porte de la librairie du Pierre-Pertuis pour me le procurer.

Le romancier Alphonse Karr (1808-1890) publia son livre en 1845. Composé de 66 lettres adressées à un ami dont il se plaint du départ soudain en voyage, l’abandonnant « Comme des choses dont on ne veut plus », c’est un véritable petit traité naturaliste, un bijou du voyage de proximité. Au départ, Karr, qui ne peut voyager, se considère comme pauvre, alors que finalement, il « est riche de pouvoir regarder son jardin. » Tout au long de cette relation épistolaire à sens unique, l’auteur brosse un merveilleux portrait de cet éden végétal, véritable déclaration d’amour, aussi bien aux fleurs qu’aux plus petits des insectes. « Les saisons qui se renouvellent sont les climats qui voyagent et qui viennent me trouver » et il ne manque pas d’adresser quelques piques à son interlocuteur « Vos voyages ne sont que des visites fatigantes que vous allez rendre aux saisons. »

Hommage à la mère de Vincent van Gogh

Les lettres se succèdent et Alphonse Karr décrit avec précision les amours d’une araignée ou celui d’une Oreille d’ours (une fleur donc), ne manquant pas d’égratigner également ces savants qui s’évertuent à renommer la faune et la flore de noms compliqués ou à leur attribuer des caractéristiques immuables. Il regrette que les noms donnés aux couleurs soient issus des pierres tel que le vert émeraude alors que tant de fleurs sont dotées d’une gamme chromatique bien plus variée et plus intense. Au fur et à mesure de la lecture, on comprend que ce livre, qui se fait le porte-parole de la beauté de la nature, ait pu plaire à un Vincent van Gogh dont la mère lui donna le goût de la botanique et l’amour de la nature.

« Voyage autour de mon jardin » est ce périple que j’envisage de réaliser le jour où je descendrais de ma terrasse. Ce texte n’a pas pris une seule ride. Il est dépaysant, enrichissant et réconfortant, et figure d’ores et déjà au panthéon de mes lectures. Suivre les méandres d’un ruisseau, s’allonger dans l’herbe sur le ventre pour observer le merveilleux qui se dissimule dans le minuscule, ou, au contraire, sur le dos pour éprouver pleinement l’intensité d’un jour déclinant, telles sont les promesses de cette baguenaude poétique pas comme les autres. Cette année, je suis déjà tombé amoureux de Colette, voici que maintenant, j’aimerais tant flâner et me prélasser en sa compagnie dans le jardin d’Alphonse Karr… Décidément, mon rapport à notre curieux XXIe siècle ne cesse de se distendre.